Frottis sanguin
Un examen hématologique complet repose sur la combinaison d'une NFS code8011et de l'observation du frottis sanguin. Rappelons que le premier apporte surtout des données chiffrées permettant d'apprécier la numération des différentes lignées (rouges, blancs, plaquettes) alors que le frottis permet de confirmer certains changements et de détecter d'autres anomalies seulement visibles en microscopie.
L'évaluation du frottis sanguin, seule, peut être utile mais apporte des informations limitées : une conclusion définitive est souvent impossible.
1. Indications
Le frottis complète l'examen de NFS (code 8011).
Commençons par indiquer une situation où il n'est pas forcément nécessaire : le bilan de santé d'un animal en bon état général.
Il est recommandé dans de nombreuses situations.
- Animal clinique pour lequel on a demandé une NFS code8011 et sans hypothèse diagnostique vraiment précise. Ceci est surtout utile pour explorer la présence d'un foyer inflammatoire (voir plus bas toxogramme et courbe d'Arneth).
- Suspicion clinique d'une hémopathie maligne (néoplasme de type lymphome ou leucémie lymphoide voire leucémie myeloide).
- Suspicion de parasitisme sanguin
- piroplasmose (babésia canis ou gibsoni chez le chien; babésia caballi ou theileria equi chez le cheval)
- dirofilariose - Suspicion d'autre maladie infectieuse
- hémobartonellose féline(mycoplasma sp.)
- ehrlichiose, anaplasmose - Exploration d'une maladie d'Addison en complément des autres tests appropriés.
- Dans toute situation où l'analyseur de votre clinique indique un résultat en dehors des valeurs usuelles
- Anémie
> Pourquoi ?
> Réponse : anomalies de forme et éléments pathogènes figurés
- Leucocytose neutrophilique
> Pourquoi ?
> Réponse : différencier un leucogramme de stress et un foyer inflammatoire (toxogramme)
- Neutropénie
> Pourquoi ?
> Réponse : toxogramme
- Lymphocytose
> Pourquoi ?
> Réponse : exclure artéfact de l'analyseur (métarubricytes/erythroblastes) et morphologie des lymphocytes (réactionnels vs atypiques)
- Thrombopénie
> Pourquoi ?
> Réponse : exclure un artéfact (amas plaquettaires) et en confirmer la sévérité.
- Thrombocytose
> Pourquoi?
> Réponse : exclure un artéfact (anémie microcytaire surtout)
2. Conditions de prélèvement
Sa réalisation est assez simple mais demande un tout petit peu de pratique.
Sang veineux ou capillaire par ponction franche.
- Une petite goutte de sang est déposée idéalement immédiatement après la ponction à partir de l'aiguille, à l'extrémité de la lame. Cette lame est maintenue avec la main gauche pour les droitiers.
- On utilise une seconde lame (lame rodée) pour l'étalement. Cette seconde lame est tenue fermement dans la main gauche, entre le pouce et le majeur, alors que l'index repose sur le dessus.
- On approche le coté rodée de la lame dans sa largeur, proche de la goutte jusqu'à établir un contact avec la goutte. Très rapidement le sang se réparti le long du coté rodé de cette seconde lame.
- On pousse alors la seconde lame vers l'extrémité opposée à la première lame, dans un mouvement précis, régulier et rapide. Dans ce mouvement on ne perd jamais le contact avec la première lame.
- Plus la seconde lame avance, plus la largeur du frottis sanguin diminue pour donner l'aspect d'une ''langue de chat''.
- À la fin du mouvement, la seconde lame est très rapidement levée.
- Sécher à l'air en agitant la lame
- Envoyer non fixée et non colorée, dans les mêmes conditions d'envoi qu'une cytoponction (aucune vapeur de formol)
3. Interprétation
La lame s'observe en deux temps :
1. D'abord à faible grossissement (pas à l'immersion) pour évaluer la qualité de lame, la densité cellulaire générale, la présence de grosses structures (amas de plaquettes, cellules anormales, microfillaires). Cela permet aussi de trouver la zone de lecture.
2. Puis à fort grossissement (50X et 100X à l'immersion à l'huile) pour identifier des anomalies plus subtiles.
Voici quelques grandes lignes qui sont observées de façon systématique
Morphologie des rouges en cas d'anémie :
Le frottis permet d'évaluer la disposition des rouges : sont-ils bien individualisés ou regroupés en amas / rouleaux. Cette étape est cruciale et apporte au moins autant d'informations qu'un test de Coombs. Code804
On s'intéresse ensuite à l'anisocytose (différence de taille entre les hématies) et à la polychromatophilie (ils sont l'équivalent des réticulocytes et apparaissent bleutés. Ces deux informations peuvent être en faveur de signes de régénération d'une anémie. La présence de corps de Howell Jolly peut aussi être recherchée.
Enfin, la morphologie des rouges est évaluée : des anomalies bien précises portent des noms précis, qui peuvent aider au diagnostic. L'ensemble des anomalies de rouges est nommé poikilocytose. (Commentaire : pour certains, ce terme regroupe toutes les anomalies sans nom précis).
Parmi les anomalies de morphologie des rouges les plus utiles au diagnostic, on trouve :
- les sphérocytes et globules rouges fantômes (Anémie hémolytique à médiation immunitaire)
- les corps de Heinz et les eccentrocytes (stress oxidatif)
- les schyzocytes et les acanthocytes (obstacle à une bonne circulation dont hémangiosarcome, CIVD et maladies cardiovasculaires)
Leucocytose neutrophilique :
C'est le changement le plus fréquent à la NFS. Rappelons que le stress peut être responsable d'une neutrophilie mature parfois modérée (jusqu'à 25.103/uL). Outre la sévérité de la neutrophilie, deux aspects sont observés pour explorer un foyer inflammatoire : la courbe d'Arneth et le toxogramme.
La courbe d'Arneth distribue les différents stades de maturation des granulocytes neutrophiles par fréquence. Chez l'animal en santé, les neutrophiles matures (segmentation du noyau ≥5 lobes) prédominent largement. En cas de foyer inflammatoire, une proportion plus élevée de neutrophiles plus jeunes (immatures) est présente : on dit que la courbe d'Arneth est déviée vers la gauche. En général, les neutrophiles hyposegmentés (synonyme = ''bands'' ou ''band cells' au noyau en fer à cheval') vont prédominer. On voit aussi apparaitre des métamyelocytes (noyau réniforme) et des myelocytes (noyau arrondi).
Le toxogramme définit la présence ou l'apparition d'anomalies dans le cytoplasme. On évaluer la présence d'une basophilie du cytoplasme, de corps de Doehle voire d'une vacuolisation.
Neutropénie
Pour cette anomalie de la numération, il faut également s'attarder sur la présence de changements toxiques (voir ci-dessus) mais également évaluer la courbe d'Arneth (voir ci-dessus). Ils renseignent aussi sur la présence d'un foyer inflammatoire.
Une neutropénie caractérisée par une prédominance de stades immatures (déviation à gauche) est très significative et indique que la moelle osseuse est ''dépassée'' par les besoins requis par le foyer inflammatoire (en général une collection de neutrophiles dans un abcès majeur, un épanchement suppuratif, un pyomètre). Un suivi hématologique est requis.
Lymphocytose
Même une augmentation marginale devrait être vérifiée au frottis.
Il convient dans un premier lieu de confirmer le changement vu par l'analyseur. Aussi performant soit-il, l'analyseur peut classifier toute cellule mononuclée comme lymphocyte en suivant des critères intrinsèques à la machine (méthode dépendant), alors qu'il peut s'agir d'une cellule atypique / blaste (éventuellement non lymphoïde), d'une cellule pycnotique ou d'un métarubricyte / eryhtoblaste.
Si la lymphocytose est confirmée, les critères suivants sont évalués : taille de la cellule, quantité de cytoplasme, taille du noyau et apparence de la chromatine, présence ou non de nucléoles, couleur du cytoplasme et présence ou non de grains azurophiles.
Ces différents critères permettent en général de conclure quant à la nature des lymphocytes :
- Lymphocyte mature :
Lymphocytose mature qui peut s'observer chez le jeune, chez l'animal ''excité'' (catecholamines) et dans le cas de stimulation antigénique. Cela peut aussi se voir dans le cas de maladie d'Addison (pas de formule de stress).
La leucémie lymphoide chronique est composée en apparence de petits lymphocytes mais dont la description n'est pas ''lymphocytes matures'' sensus-stricto.
- Lymphocytes réactionnels
Très en faveur d'une stimulation antigénique (exemple : vaccination, processus infectieux, etc). La protéinémie code622 et l'electrophorèse code611 peuvent être observés, surtout pour la présence d'une hyper-gammaglobulinémie polyclonale.
- Lymphocytes atypiques
Catégorie pour laquelle une hémopathie maligne peut être envisagée. Il n'est pas possible de conclure strictement sur la morphologie; il faut utiliser d'autres éléments : signes cliniques, imagerie, cytoponctions de MO, rate, foie, test de clonalité, etc).
Certains processus réactionnels/infectieux peuvent présenter une morphologie ''atypique'' (exemple : ehrlichiose chronique avec lymphocytes à grains; FIV et lymphocytose à grains, etc).
Thrombopénie
L'analyseur est souvent performant en ce qui concerner la numération plaquétaire proposée mais ceci peut être technologie-dépendant. Par ailleurs, certaines conditions préanalytiques peuvent fausser le résultat : caillot dans le tube et amas de plaquettes tendent à diminuer le comptage alors que la lipémie tend à le surestimer.
On exclura surtout la présence d'amas sur le frottis dans le cas où la numération des plaquettes est basse. On pourra aussi éventuellement regarder l'anisocytose plaquettaire.