Intérêt du dosage de la lactatémie chez le cheval
Les lactates sont un déchet du métabolisme anaérobie, son dosage est réalisé depuis le milieu des années 70 pour sa valeur pronostique dans le cas de syndrome de coliques ou pour des chevaux nécessitant des soins intensifs. Plus récemment, il est utilisé en routine pour tester les performances des chevaux de sport et de course. La lactatémie se révèle être un excellent indicateur des aptitudes d'un cheval de compétition et de son niveau d'entraînement.
1. Définition
Les lactates sont la forme ionisée de l'acide lactique, synthétisée suite à la dégradation du glucose par le métabolisme anaérobie des muscles striés squelettiques et des autres tissus. Lors de l'effort, le lactate sanguin est majoritairement d'origine musculaire. Le catabolisme aérobie est la principale voie d'élimination du lactate. Cette élimination est réalisée par les muscles squelettiques pendant la phase de récupération post-effort. L'accumulation de lactate conduit à une acidose lactique chez l'animal.
Il existe deux types d'acidose lactique : l'acidose hypoxique (de type A) et l'acidose non hypoxique (de type B).
2. Indications du dosage de la lactatémie chez les chevaux hospitalisés
Ce dosage est intéressant pour les animaux hospitalisés. Dans ce cas, cette hyperlactatémie est le plus souvent expliquée par une hypovolémie et donc une mauvaise distribution de l'oxygène dans les tissus.
- Pour un cheval en colique ou hospitalisé pour des soins intensifs en général, la lactatémie renseigne sur la sévérité de l'affection et donne un premier avis pronostique. En effet, il a été observé que plus la lactatémie est élevée, plus le pronostic est sombre. De plus, pour une lactatémie > 8mmol/L le pronostic est très sombre et dans tous les cas l'animal nécessitera des soins intensifs longs et coûteux. Ce dosage peut donc être une aide à la prise de décision dans des cas d'hospitalisation avec un budget limité de la part des propriétaires. Une persistance de l'hyperlactatémie malgré des soins intensifs indique une faible chance de survie pour l'animal.
- Une augmentation des lactates sanguins indique une mauvaise perfusion des tissus. Ce dosage indique donc la nécessité de pratiquer une fluidothérapie ou une transfusion. Une fluidothérapie peut être engagée pour lutter contre les signes d'hypovolémie. Dans un contexte clinique de déficit en érythrocytes (anémie, coagulopathie, hémorragie, etc.) une transfusion peut être envisagée. Dans ce cas, l'hyperlactatémie est en faveur de la transfusion et doit motiver le praticien à la réaliser. De plus, un dosage post-transfusion permet de déterminer si cette transfusion a été efficace pour rétablir l'apport d'oxygène, l'efficacité étant mise en évidence par un retour à la normale de la lactatémie.
3. Indications du dosage de la lactatémie chez les chevaux de sport ou de course
Les lactates sont un excellent indicateur du métabolisme énergétique et notamment de la fatigue musculaire. L'hyperlactatémie produite par le métabolisme musculaire apparaît rapidement après l'effort. Cette augmentation des lactates sanguins entraîne une acidose métabolique, et par compensation on observe une augmentation du débit ventilatoire et une difficulté pour l'animal à poursuivre l'effort.
Chez le cheval de sport et de course on définit un seuil anaérobie correspondant à une lactatémie de 4mmol/L. Au-delà de ce seuil, l'animal cumule un déficit en oxygène, le recrutement des fibres de type II et une diminution du métabolisme lactique hépatique, tous ces phénomènes conduisant progressivement à l'épuisement de l'animal. On définit également une vitesse V4 correspondant à la vitesse de travail pour laquelle le seuil de concentration sanguine en lactates de 4mmol/L est atteint. Pour une vitesse supérieure à V4 les lactates s'accumulent rapidement et l'animal s'épuise. L'intérêt de l'entraînement est de développer la capacité aérobie du cheval pour qu'il supporte mieux l'effort en accumulant moins rapidement les lactates dans le tissu musculaire et le sang. Ceci se traduit par une augmentation de cette V4 et donc de meilleures performances sportives, notamment en endurance.
D'autres valeurs ont un intérêt dans le suivi de l'athlète. On définit ainsi V2, la vitesse à laquelle la lactatémie est de 2mmol/L, correspondant au seuil aérobie strict. On définit également FC4, la fréquence cardiaque obtenue à V4, qui permet d'évaluer la fonction cardiaque du cheval. Celle-ci doit être inférieure à 200 bpm. En moyenne, FC4 est située autour de 170bpm pour les chevaux de compétition, cependant des variations raciales sont à prendre en compte. Un autre marqueur de la fonction cardiaque est V200, vitesse à laquelle la fréquence cardiaque est de 200bpm. Elle correspond à un travail proche de celui nécessitant une consommation maximale en oxygène. Ces deux derniers paramètres permettent donc d'estimer l'aptitude cardiaque à l'effort .
En pratique, la détermination de V4 se fait selon un test standardisé de terrain qui soumet le cheval à une série d'efforts d'intensité progressive. Ce test consiste en un échauffement suivi de 3 paliers d'efforts de 3 minutes à vitesse/intensité croissante. La vitesse/intensité est à adapter selon l'âge et le niveau d'entraînement de l'animal.
Les valeurs de lactatémie en fonction des vitesses sont reportées sur une courbe d'où on peut extraire les valeurs remarquables V2 et V4. On peut noter que cette courbe est exponentielle. Ce test peut être réalisé sur tapis de course ou sur le terrain. L'avantage du tapis de course est sa facilité à standardiser le test. Mais en réalisant un suivi sur le terrain, l'animal est plus proche de ses conditions réelles de compétition (nature du terrain, humidité, température, vitesse du cheval , etc.). La bonne standardisation du test, c'est-à-dire le fait qu'il soit toujours réalisé dans les mêmes conditions, est indispensable pour obtenir des valeurs significatives.
Le suivi de la lactatémie permet de définir un programme d'entraînement permettant de développer la capacité aérobie du cheval mais aussi d'ajuster cet entraînement en cas de dérive des paramètres précédemment définis. Suite à des cycles d'entraînement efficaces, une augmentation de la valeur V4 doit être notée. Ceci témoigne d'une adaptation du cheval à l'effort, la puissance de l'entraînement peut ensuite être revue à la hausse pour s'adapter à l'athlète et en améliorer encore les performances, avec un contrôle très régulier de la valeur V4 pour éviter tout surentraînement brutal.
Pour des chevaux reprenant l'entraînement après une période d'inactivité, il est conseillé de doser la lactatémie à 1 ou 2 mois d'écart avant de pouvoir conclure quant aux performances de l'animal. Enfin, ce dosage permet aussi de programmer au mieux les temps de récupération permettant d'obtenir le plus rapidement possible une lactatémie compatible avec l'effort. Il est en effet préférable d'attendre une diminution de ce paramètre, traduisant une diminution de la fatigue musculaire, avant de reprendre l'effort. On note qu'une récupération active, 30 min de trot par exemple, permet un retour plus rapide aux valeurs physiologiques de la lactatémie par rapport à une récupération passive.
4. Conditions de prélèvement
Tube hépariné (plasma ou sang total). Doit être prélevé dans les minutes suivant la fin de l'effort et conservé réfrigéré jusqu'à l'analyse.
5. Valeurs physiologiques chez le cheval
Valeur physiologique = 1 à 2 mmol/L
Acidose métabolique > 5mmol/L
Seuil anaérobie = 4 mmol/L
6. Interprétation du résultat
Une fluidothérapie engagée avant le prélèvement peut diminuer artificiellement la lactatémie par effet de dilution. En revanche, une fluidothérapie menée avec une perfusion glucosée peut provoquer une hyperlactatémie iatrogène en saturant le cycle de Krebs.